Bio, démarche & technique

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Bio

« Arrivée à Sherbrooke à l’âge d’un an, j’ai grandi dans une petite famille composée de ma mère et moi. Nos dimanches matins se passaient bien loin des églises : nous préférions nous installer devant notre télé noir et blanc et manger des croissants frais tartinés de beurre et de miel. Dans le ghetto de mères monoparentales auquel j’appartenais, les enfants faisaient la loi. Nous vivions dans un monde à part, bien loin des maisons bungalows; notre vie s’arrêtait à notre rue High; une toute petite rue près du centre ville, et d’un dépanneur où il y avait un choix de bonbons à faire rêver tous les enfants de la ville. Derrière chez nous, il y a avait un bois où poussaient les lilas et où habitaient les chenilles à poils. Les gros cocons que construisaient ces dernières étaient tellement laids qu’à leur simple vue, l’envie de me gratter partout m’attrapait, mais je ne pouvais m’empêcher de les regarder.

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J’étais aussi bien intriguée par les prisonniers de la prison municipale qui se trouvait de l’autre côté de notre petit bois. Quand nous allions jouer près des grands murs de pierres barbelés, les messieurs derrières leurs fenêtres à barreaux nous parlaient et gesticulaient des mains. Ils nous racontaient de bien drôles de choses et ça nous amusait. Je n’ai jamais eu peur des prisonniers, même de ceux qui s’évadaient de temps à autre, mais j’ai souvent eu peur de mes enseignantes. Je pense qu’elles ne m’aimaient pas vraiment car je préférais les croissants tartinés de miel aux prières que je ne comprenais pas.

Elles ne semblaient pas non plus apprécier mes cheveux courts et les camisoles de coton que je portais par-dessus mes blouses. Elles préféraient les jeunes filles aux cheveux longs bien brossés qui savaient compter jusqu'à 30. Moi, je m’appelais Adèle, je demeurais dans un quatre et demi rue High et j’aimais, j’aime encore beaucoup mieux dessiner que compter.

Merci à ma mère de m’avoir encouragée à être moi. Aussi, un immense merci à ma famille et à mes amis pour leur soutien. »


Crédit vidéo : Pierre-Luc Racine

Née à Montréal le 9 août 1976, Adèle Blais vit et travaille aujourd'hui à Sherbrooke, où elle continue d'explorer, de créer et de partager sa vision artistique.

Peintre-collagiste québécoise cumulant près de 20 ans de pratique artistique, Blais exploite une technique de création unique et qui lui est propre, utilisant principalement l’acrylique et divers matériaux de collage. Représentant majoritairement des personnages féminins, Blais concentre sa démarche sur les enjeux de l’égalité des genres et veut réhabiliter la contribution des femmes dans l’Histoire en faisant connaître des parcours méconnus.

Depuis ses débuts, sa production a fait l’objet de plusieurs projets et publications, et la majorité de ses œuvres figurent aujourd’hui au sein de collections privées. Son travail a aussi été présenté lors de nombreuses expositions individuelles et collectives et son approche picturale fait partie des suggestions du service national du RÉCIT du Domaine des arts (Ministère de l'Éducation). Sa production a été exposée, entre autres, à Hong Kong, Londres, Stockholm, New York, San Francisco, Miami, La Nouvelle-Orléans, Houston, Toronto, Montréal et Sherbrooke.

Dotée d'un langage visuel distinctif et immédiatement reconnaissable, Blais a choisi d'élargir son exploration créative à divers domaines, s'aventurant parfois en territoire inconnu. Elle a coécrit et édité deux livres, elle donne régulièrement des conférences où ses peintures deviennent la porte d'entrée vers des histoires de femmes puissantes et inédites. En 2024, elle a lancé une application de réalité augmentée qui donne vie à son travail de manière inédite, et elle collabore actuellement avec la Dre Audrey Bélanger au développement d'un outil pédagogique inspiré de ses œuvres, soutenu par une bourse de recherche du FRQ.


Fiche Wikipédia

 

Démarche & technique

Crédit photo : Sofia Villeneuve

Ayant évolué dans un univers familial où la différence était respectée et cultivée, Adèle Blais a hérité d’une grande curiosité et d’un intérêt vif pour l’humain. Elle a développé et nourri une vision singulière, un discours et un esprit critique qui définissent et encadrent sa démarche artistique.

S’imprégnant de récits de vie de personnalités uniques, admirables et souvent méconnues, elle propose de leur rendre leur place dans l’Histoire. Depuis 2017, sa démarche se tourne entièrement vers une relecture historique mettant l’accent sur l’importante contribution des femmes. « Mon travail en est un de transmission et de réparation. C’est un rassemblement d’impressions, de recherches et d’éléments évoquant l’histoire de la femme que je peins. Tout dans l'œuvre y est placé pour mettre à l’honneur sa vie et son legs. L'intention que je donne à l'œuvre se trouve dans un mot placé au niveau du philtrum, ou comme la légende poétique l'appelle : le doigt de l’ange. Cette fossette située sous le nez fusionne les différentes parties du visage lors du développement du fœtus et c’est à partir d’elle que le visage se forme. Pour créer, je me place à la croisée d’un monde sans frontière ni propriété et je me mets au service de l’Histoire du féminin. Mon souhait, avec mes portraits d’humaines historiques oubliées, est d’inviter les gens à ouvrir leur cœur et à se livrer sans retenue ni menace à la rencontre de cette part fondatrice de leur passé qui ne leur a pas été racontée. »

Son style marie et superpose les couches de peinture acrylique à des collages texturés, incluant des bouts de textes et donnant un aspect littéraire à ses œuvres. Avec l'ajout de lignes contour contrastées, il en résulte des compositions en casse-têtes aux morceaux assemblés. L’espace créé par les lignes témoigne d’une dualité entre la fusion et le vestige de la séparation qui demeure possible, un dialogue qui met en parallèle et lie, tout à la fois, le passé et le présent, évoquant un état de commémoration auquel se greffe un aspect à la fois intemporel et actuel. Les portraits sont la représentation dichromatique de l’émotion de l’intérieur et celle de l’extérieur, chacun des éléments convergeant vers un fait saillant de la vie de celles qu’ils représentent. Loin d’être éphémères, ses œuvres peuvent entraîner le spectateur dans un espace temporel ou une émotion précise, référant à des vies ponctuées d’embûches, de luttes, mais surtout de réussites.

La signature de Blais est forte, unique, reconnaissable et pleinement assumée, lui donnant les bases solides et nécessaires pour transmettre son message et aborder ses sujets de prédilection. Par la reconstruction de portraits de femmes, Adèle Blais permet d'ouvrir le dialogue sur une relecture plus équitable de notre passé et ainsi transmettre un message qui prône l'équité et suscite une réflexion sur l'actualité de ces enjeux dans la société contemporaine.

Crédit vidéo : Pierre-Luc Racine, Myriam Leblond

 
  • “I was raised in a tiny family: just my mother and me. On Sunday mornings, instead of going to church like most people, we’d sit in front of our black-and-white television, eating warm croissants with butter and honey, and listening to cartoons.

    In the single-mother neighborhood in downtown Sherbrooke where I belonged, kids ruled the world. We lived in our own little universe, far from the bungalows of nuclear families. Our life stopped at the end of our street, where there was a corner store with a candy selection big enough to make any child in town dream.

    Behind our four-unit apartment was a small wood, where lilacs grew and furry caterpillars lived. Some years, their giant cocoons would wrap entire trees. These moving nests were so ugly they made my skin crawl, and yet, I couldn’t stop looking at them.

    Not far from there, at the edge of the little wood, stood one of the oldest prisons still in operation in Quebec. When we played near its tall stone walls lined with barbed wire, the men behind the barred windows would wave and call out to us. They said all sorts of funny things, but we barely paid attention — too busy hunting for treasure in the old scrapyard pit. I was never afraid of the prisoners, not even when some managed to escape. But I was often afraid of my teachers.

    I don’t think they liked me very much. I preferred croissants with honey over prayers I didn’t understand. And with my short hair and the cotton camisoles I wore over my blouses, I didn’t look like the girls they seemed to favor — the ones with long, neatly brushed hair who could count to thirty.

    My name was Adèle. I was raised in a four-and-a-half apartment on High Street, and I loved, still love,  drawing much more than counting.

    Thank you to my mother for encouraging me to be myself. And a heartfelt thank you to my family and friends for their support.”

    Born in Montreal on August 9, 1976, Adèle Blais now lives and works in Sherbrooke, where she continues to explore, create, and share her artistic vision.

    Her nearly 20 years of practice have been shaped by a unique technique that blends acrylic paint with richly textured collage materials. Through her work, which almost exclusively features female figures, she shines a light on forgotten or overlooked stories, using art as a vehicle to celebrate women’s contributions throughout history and to spark reflection on issues of equity.

    Over the years, her work has been the subject of multiple projects and publications, and most of her pieces now belong to private collections. Her creations have been exhibited widely, both solo and in group shows, and her artistic approach is one of the recommended practices by the national RÉCIT arts education service of Quebec’s Ministry of Education. Her work has traveled internationally, including to Hong Kong, London, Stockholm, New York, San Francisco, Miami, New Orleans, Houston, Toronto, Montreal, and Sherbrooke.

    With a distinctive and instantly recognizable visual language, Blais has chosen to expand her creative exploration across diverse fields, sometimes venturing into uncharted territory. She has co-written and edited two books, both of which became bestsellers. She regularly offers talks where her paintings become the gateway into powerful, untold stories of women. In 2024, she launched an augmented reality app that brings her work to life in new ways, and she is currently collaborating with Dr. Audrey Bélanger on the development of a pedagogical tool inspired by her artwork, supported by a research grant from the FRQ.

  • Having grown up in a family environment where difference was both respected and nurtured, Adèle Blais inherited a deep curiosity and a profound interest in the human experience. Over time, she has cultivated a singular vision, one marked by reflection, intuition, and a strong critical sense, which continues to shape and guide her artistic path.

    Immersing herself in the life stories of unique, admirable, and often overlooked individuals, she seeks to restore their rightful place in our collective memory. Since 2017, her work has focused entirely on a historical reinterpretation that highlights the essential contributions of women.

    “My work is one of transmission and reparation. It’s a gathering of impressions, research, and fragments that evoke the presence and story of the woman I portray. After long and meticulous historical research, every element within the composition is carefully placed to honor her life and legacy. The intention I breathe into the piece is revealed through a single word, delicately positioned at the level of the philtrum, or as poetic legend calls it, the mark of the Angel’s finger. To create, I step into a space without borders or ownership, and I put myself humbly at the service of the feminine thread of History. With these portraits of forgotten human beings, I hope to invite others to open their hearts and surrender without fear to the encounter with this foundational part of our past that was never told to them.”

    Her technique blends layers of acrylic paint with richly textured collages, using bits of text, fabric, and archival material, infusing the works with a literary and historical resonance. With the addition of strong, contrasting contours, the pieces become visual puzzles, assembled fragments in conversation. The space between the lines evokes a tension, the pull between fusion and the memory of separation, a dialogue that connects past and present, memory and presence. Her portraits offer a dual reading: the exterior form and the interior emotion. Each element converges on a pivotal moment in the life of the person portrayed.

    Far from being fleeting, her works anchor the viewer in a specific emotion, a moment, or an era, evoking lives marked by hardship, resistance, and above all, resilience.

    Blais’s artistic signature is bold, unique, and fully embraced. It offers her a solid ground from which to speak, to revisit history, and to highlight the figures who have shaped it in silence. Through the reimagining of women’s portraits, Adèle Blais opens a necessary dialogue that calls for a fairer reading of the past and invites reflection on the urgency and relevance of these questions in today’s world.